Propos recueillis par Adrien Maxilaris pour Relief
A : Bonjour Charlotte, je vous laisse vous présenter.
C : Charlotte, étudiante en art déco à Bruxelles et féministe.
Je suis un cursus pour obtenir un master en bande dessinée à Saint-Luc, place Louis Morichar.
Ce cursus propose un enseignement graphique au service de la narration. Il s’agit d’apprendre aux étudiants la maîtrise des processus d’élaboration du texte et de l’image, afin de les aider à devenir des auteurs de bande dessinée capables de poursuivre leur évolution de manière autonome.
A : Et qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cette formation ?
C : Les étudiants sont amener à aiguiser leur regard sur le monde afin de nourrir leur créativité et d’affirmer leur autonomie. En plus d’apprendre à dessiner, nous travaillons pour élargir notre imaginaire.
A : Le monde de la bande dessinée reste toujours à la marge de ce qui se dit être la littérature « normale ». Votre rapport à la bande dessinée est plus visuel, lié à l’image, au dessin ou vous attachez aussi beaucoup d’importance au texte.
C : Les deux sont indissociables pour moi, nous arrivons des fois à dire plus avec une image qu’avec de longues phrases. Et il faut évoluer avec son temps, nous ne vivrons plus tout le temps au 19e siècle.
A : Au 19e siècle ? Comment ça ?
C : Victor Hugo, Balzac sont difficilement accessibles par une jeunesse qui souhaite comprendre le monde. La bande dessinée permet plus facilement de comprendre qui nous sommes.
Je ne dis pas que ce ne sont pas de bons auteurs mais ils sont très difficile d’accès.
A : Vous avez essayé vous-même d’en lire je suppose ? la bande dessinée est complémentaire du 19e siècle peut être ? – sourire
C : Oui tout n’est pas à jeter mais la bande dessinée est très ludique et par des images accessibles à tout le monde, quel que soit l’âge, elle peut être une étape vers autre chose.
C’est juste difficile de ne devoir pouvoir accepter qu’un format, une écriture et toujours la même de l’école jusqu’à toujours.
A : Je suis d’accord avec vous, les deux sont complémentaires et il ne devrait pas y avoir de compétition entre chacune d’ailleurs.
C : C’est juste d’imposer des choix qui me gêne. Nous vivons une époque où nous devons encore trop souvent justifier nos choix. Nous parlons aujourd’hui de la lecture mais c’est plein d’autres choses.
A : Vous pensez à quoi ?
C : Les garçons ne sont plus tous obligés de s’habiller en bleu et les filles en rose mais il y a encore beaucoup de patriarcalisme. Femmes et hommes doivent avoir les mêmes droits.
A : Vous pensez à quoi ?
C : À rien, a tout, à tous les droits.
A : C’est plus dur d’être une femme qu’un homme encore aujourd’hui ?
C : Je ne sais pas, je ne suis pas un homme – sourire – mais j’aimerais être vue comme autre chose qu’une pondeuse ou un objet de désir.
A : Je vous rejoins mais vous ne caricaturez pas un peu ?
C : Regardez, je ne m’épile pas et je dois une fois sur deux me justifier auprès des hommes avec qui je vis ou que je croise pour expliquer mes choix.
A : Quels choix ?
C : Celui de ne pas m’épiler, de ne pas me maquiller, de ne pas sourire, de sourire. Je ne veux pas m’expliquer en fait, je veux juste être aimée ou pas ne pas être aimée pour des choses différentes de ceux pour quoi la femme est vue encore par une trop grande majorité de personnes.
A : C’est donc un acte politique de ne pas s’épiler ?
C : Oui et non ou peut être. Là c’est juste une envie de dire, laissez-moi tranquille.
A : J’apprécie votre honnêteté. Que pensez-vous alors de cette mode de poster sur Instagram ou ailleurs des photos de ses aisselles ? Etre contre le système qui désigne pour tout le monde ce qu’est l’esthétisme, c’est aussi ne pas l’alimenter avec ce genre de choses.
C : Oui, je suis d’accord mais c’est une premiere batalle, celle d’y croire, il y en aura d’autres, celle de s’en foutre.
A : J’aime votre franc-parler. Merci pour cette entretien et bonne chance pour la suite de vos études
C : Merci à vous