La décision rare prise par le président français Emmanuel Macron a été prise en raison de « l’exceptionnelle gravité » de l’affaire, a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian dans un communiqué.
Jeudi, l’Australie a déclaré qu’elle abandonnerait un contrat de 40 milliards de dollars signé en 2016 avec le groupe français Naval Group pour la construction d’une flotte de sous-marins conventionnels et qu’elle construirait à la place au moins huit sous-marins à propulsion nucléaire avec la technologie américaine et britannique après avoir conclu un partenariat de sécurité trilatéral. La France a qualifié cette décision de coup de poignard dans le dos.
La France rappelle ses ambassadeurs et l’Australie tente de calmer le jeu
Une source diplomatique française a déclaré que c’était la première fois que Paris rappelait ses propres ambassadeurs de cette manière.
L’Australie a déclaré samedi matin qu’elle regrettait ce rappel, qu’elle appréciait les relations avec la France et qu’elle continuerait à dialoguer avec Paris sur d’autres questions.
« L’Australie comprend la profonde déception de la France à l’égard de notre décision, qui a été prise conformément à nos intérêts de sécurité nationale clairs et communiqués », a déclaré un porte-parole de la ministre des Affaires étrangères, Marise Payne, dans un communiqué.
Le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, a déclaré que la France était un « allié vital » et que les États-Unis s’engageraient dans les jours à venir pour résoudre les différends.
La Grande-Bretagne en soutient des États-Unis et de l’Australie
La déclaration du ministère français des Affaires étrangères n’a pas mentionné la Grande-Bretagne, mais la source diplomatique a déclaré que la France considérait que la Grande-Bretagne avait rejoint l’accord de manière opportuniste.
« Nous n’avons pas besoin de consulter notre ambassadeur (britannique) pour savoir ce qu’il faut en penser ou pour en tirer des conclusions », a ajouté la source.
Le Drian a déclaré que l’accord était inacceptable.
« L’annulation (du projet)… et l’annonce d’un nouveau partenariat avec les États-Unis destiné à lancer des études sur une éventuelle future coopération sur les sous-marins à propulsion nucléaire, constituent un comportement inacceptable entre alliés et partenaires », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Il a ajouté que les conséquences « affectent directement la vision que nous avons de nos alliances, de nos partenariats et de l’importance de l’Indo-Pacifique pour l’Europe. »
Point le plus bas
Cette dispute marque le point le plus bas dans les relations entre l’Australie et la France depuis 1995, lorsque Canberra a protesté contre la décision de la France de reprendre les essais nucléaires dans le Pacifique Sud et a rappelé son ambassadeur pour des consultations.
Le Premier ministre australien Scott Morrison a rejeté vendredi les critiques de la France selon lesquelles elle n’avait pas été avertie du nouvel accord, et a déclaré qu’il avait évoqué la possibilité, lors de discussions avec le président français, que l’Australie abandonne l’accord Naval Group.
M. Morrison a insisté sur le fait qu’il avait dit à M. Macron en juin que l’Australie avait revu sa position.
« J’ai été très clair, nous avons eu un long dîner à Paris, sur nos préoccupations très importantes concernant les capacités des sous-marins conventionnels à faire face au nouvel environnement stratégique auquel nous sommes confrontés », a-t-il déclaré à la radio 5aa.
« J’ai dit très clairement que c’était une question sur laquelle l’Australie devait prendre une décision dans son intérêt national ».
La France pourrait trouver d’autres partenaires dans le Pacifique
La tension dans les liens multilatéraux survient alors que les États-Unis et leurs alliés cherchent un soutien supplémentaire en Asie et dans le Pacifique, étant donné l’inquiétude que suscite l’influence croissante d’une Chine plus affirmée.
La France est sur le point de prendre la présidence de l’Union européenne, qui a publié jeudi sa stratégie pour l’Indo-Pacifique, s’engageant à rechercher un accord commercial avec Taïwan et à déployer davantage de navires pour maintenir ouvertes les routes maritimes.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a tenté jeudi de calmer le tollé français, qualifiant la France de partenaire essentiel dans la région.
Pierre Morcos, chercheur invité au Centre d’études stratégiques et internationales de Washington, a qualifié la décision de la France d' »historique ».
« Les paroles rassurantes telles que celles entendues hier de la part du secrétaire Blinken ne suffisent pas pour Paris – surtout après que les autorités françaises ont appris que cet accord était en préparation depuis des mois », a-t-il déclaré.