Dans une précédente prise de position (Quand la boussole (de la justice) perd le nord…, 10 juillet 2022), nous avions identifié les fondements d’une inquiétante dérive – par laquelle la volonté de quelques-uns, sans mandat ni légalité, s’impose à tous au mépris des besoins des citoyens recensés par l’administration. Le 17 mars 2022, au terme de la « promenade ministérielle à l’intérieur du pays », le Ministère de l’Éducation pré-universitaire et de l’alphabétisation publiait des statistiques dignes de foi.
« 1080 écoles publiques hangar dont 1066 au niveau primaire, (…) à Boké (282), Faranah (53), Kankan (387), Kindia (81), Labé (65), Mamou (31), et Nzérékoré (167) ; 2058 écoles et établissements sans latrines, 5 710 écoles et établissements sans point d’eau, des localités sans écoles, des écoles sans clôture en zones urbaines ; des chantiers de construction d’écoles inachevés depuis plusieurs années ».
La Guinée refuse d’investir dans l’instruction de ses enfants – c’est un fait, connu de tous, qui affecte principalement nos compatriotes vivant en dehors de la capitale. Un travail considérable, rigoureux et fiable s’impose – plus qu’une opération médiatique sans lendemain. Car, pour revenir au statut juridique contesté de l’emprise de l’école de Dixinn, comment pourra-t-on y inculquer les valeurs de la devise « Travail, Justice et Solidarité » ?
Le procès relatif au massacre du 28 septembre a permis de présenter la Transition sous son meilleur jour – et de gagner 12 à 18 mois de répit, nantie de la « reconnaissance » tacite d’une Cour Pénale Internationale en situation délicate. Nous espérons sincèrement que la Guinée situera les responsabilités de cette tragédie et pourra réparer les torts infligés à ses filles et ses fils. S’il se confirme, ce « vent nouveau » souligne la nécessité de (re)construire notre Nation sur des bases solides – y compris la connaissance de son histoire.
Il s’agit notamment de celle de Diawadou Barry (1916-1973), Homme d’État qui, l’un des premiers, appela à l’Indépendance de notre pays. Conseiller général de la Guinée (1946-1953), conseiller de l’Union Française (1953-1954), député à l’Assemblée Nationale Française (1954-1958), ministre de l’Éducation Nationale (1958-1961), Ministre des Finances (1961-1963), ambassadeur en Égypte (1963-1966) et Directeur de l’Imprimerie Nationale, Patrice Lumumba (1966-1969), il servit notre pays trois décennies durant.
Assassiné sans jugement, comme plusieurs milliers de ses compatriotes, il attend d’être réhabilité – comme toutes les guinéennes et tous les guinéens arrachés à l’affection de leurs proches et « volés » à la collectivité nationale. Nous devons connaître les erreurs de notre passé pour poser les jalons d’une cohésion sociale juste et pérenne.
Par conséquent, la mémoire de Diawadou Barry ne saurait être associée à des manœuvres politiques ou réduite à des revendications partisanes : c’est celle de notre Nation, toute entière. Une importante partie du travail de notre génération débute par la connaissance de notre Histoire commune pour mieux déterminer la destinée collective de la Guinée.
C’est pourquoi nous n’avons rien à demander à une Transition dont la principale préoccupation est sa survie politique. Nous prenons note d’un acte qui révèle le recours (habituel) à des expédients et l’absence de vision pour notre pays.
C’est à chacune et chacun d’entre nous que nous parlons, désormais : quel futur voulons-nous pour notre pays ? Quels enseignements tirerons-nous de nos errements ? Une fois de plus, il nous faut être à la hauteur des enjeux : ignorer la polémique et rappeler (le sens de) la politique. Que construirons-nous, ensemble, une fois la transition passée ?
Quelle instruction l’administration doit-elle donner aux élèves ? Quelle éducation la famille doit-elle transmettre aux enfants ? Sur quelles valeurs refonder notre État ? Comment être en paix avec nos consciences pour que personne n’instrumentalise les « frustrations » des uns au détriment des autres ?
C’est ce chantier qu’il convient d’investir – en ignorant les inaugurations de bâtiments où, décidément, ni la justice ni l’éducation ne sont « au programme ».