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Russie-Ukraine : l’impossible choix des Africains

Russie-Ukraine : l’impossible choix des Africains

Depuis que le conflit russo-ukrainien a remis au goût du jour le manichéisme de la guerre froide, toutes les occasions sont bonnes pour mesurer qui, des Occidentaux ou de la Russie, contrôle le continent africain.

Ou plutôt, ces occasions offrent l’opportunité d’évaluer le niveau de défiance de l’Afrique à l’égard des anciennes puissances coloniales. C’est du moins à cet exercice que l’on se livre depuis l’adoption, ce mercredi 12 octobre, par l’Assemblée générale des Nations unies d’une résolution condamnant l’annexion par le Kremlin des régions ukrainiennes de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson. Même si l’effet de ladite résolution demeure essentiellement symbolique, avec 143 pays condamnant l’annexion, 35 autres s’abstenant de se prononcer et seulement 5 qui s’y opposent, les soutiens de l’Ukraine ont de quoi jubiler. Et même au niveau du continent africain, au-delà des quelques drapeaux qui flottent dans les rues de certaines capitales à l’occasion des manifestations, on ne peut pas dire que la Russie soulève une grande sympathie. Mais ce qui émerge par-dessous tout, c’est que de nombreux pays du continent sont, plus de 60 ans après l’accession à la souveraineté nationale, dans l’incapacité d’opérer des choix assumés.

Oui, il y a une dynamique évolutive…

Selon le camp dont on relève, on peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Si on est plutôt pro-russe ou que l’on surfe sur la tendance panafricaniste qui pilule depuis quelques mois sur les réseaux sociaux, on est porté à mettre l’accent sur les 19 pays africains qui se sont abstenus et les 5 autres n’ayant pas voté. D’autant que Djibouti et le Lesotho qui, en mars dernier, condamnaient ouvertement l’agression russe contre l’Ukraine, ont cette fois, préféré s’abstenir. Même que d’un point de vue global, il importe de relever que 20 ans plus tôt, la plupart de ces 24 pays se seraient aveuglement rangés derrière le quatuor que constituent les Etats-Unis, l’Angleterre, la France et l’Allemagne. Pour le camp occidental, il serait donc naïf d’ignorer la dynamique évolutive dans les rapports avec le continent africain.

…mais la Russie n’est pas forcément l’alternative

Pour autant, nous ne devons rien exagérer. C’est tout de même une trentaine de pays africains qui se sont alignés sur la position que soutenait le camp occidental. Soit trois de plus que ceux qui s’étaient favorablement prononcés en faveur de la résolution qui condamnait l’agression russe contre l’Ukraine, en mars dernier. Trois pays parmi lesquels le Sénégal et l’Angola. Mieux, si l’Afrique a des griefs contre les pays occidentaux, elle se garde cependant de se jeter dans les bras de la Russie. Ainsi, si en mars dernier, l’Erythrée s’était opposée à la condamnation de l’agression contre l’Ukraine, cette fois, aucun Etat africain n’est ouvertement allé à l’encontre de la résolution. D’ailleurs, dans les détails, il est curieux de noter que ni la Centrafrique, ni le Mali ne se soient rangés du côté de la Russie. Si les deux pays symbolisent aujourd’hui les prétentions russes sur le continent africain, en abritant notamment sur leur sol des éléments de la milice Wagner, ils hésitent néanmoins à franchir l’ultime pas. A titre d’exemple, la Syrie, elle, assume totalement son lien avec la Russie en votant contre la résolution. De même, si dans le sillage du second coup d’Etat récent au Burkina Faso, on a cru entrevoir une certaine sympathie entre les nouveaux dirigeants et le pays de Poutine, cela ne s’est guère traduit dans la position du Burkina Faso vis-à-vis de la résolution adoptée avant-hier. De fait, le Burkina a choisi de ne pas voter.

Panafricanisme à la pacotille

Dans ce débat, il y a quelque chose de plus dramatique d’un point de vue strictement africain. Cela se trouve incarné dans la position de ces 19 pays qui se sont abstenus et de ceux qui n’ont pas voté. Soit 24 des 55 Etats du continent. 24 pays qui se plaisent à revendiquer leur souveraineté, mais qui sont incapables de faire un choix. 24 pays qui n’osent pas choisir, parce qu’ils redoutent de fâcher ou de se mettre à dos l’un ou l’autre des camps en présence. Or, en quoi consiste la liberté, si ce n’est cette capacité de choisir ? Le panafricanisme ne devrait nullement consister à agiter le drapeau russe, ou même celui de la France ou des Etats-Unis dans les rues poussiéreuses ou boueuses de nos capitales, chauffées à blanc par des jeunes désœuvrés et gavés de discours populistes. Il ne devrait pas non plus nous pousser à nous insulter les uns les autres sur les réseaux sociaux, parce nous sommes pro-telle puissance ou anti-tel autre grand du monde. Non. Le seul panafricanisme qui vaille est celui qui devrait aider à hisser l’Afrique à un statut qui lui permette de choisir, sans se soucier de ce que tel ou tel autre en penserait. Et ce panafricanisme-là, il est plus dans les actes que dans les discours.

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